FACE À LA SURCHARGE
DU CALENDRIER :
AUGMENTER LE NOMBRE
DE REMPLAÇANTS
ÉTAT DES LIEUX
Pendant très longtemps, les instances du football avaient la liberté de concevoir elles-mêmes l’architecture de leurs compétitions. Mais ce permis de construire qu’on aurait donné à n’importe qui, avait fini par générer plusieurs effets pervers :
– Un planning déstructuré : emmêlement, multiplication et surcharge des programmes compétitifs, conflit clubs/équipes nationales pour la mise à disposition des internationaux ;
– Un planning destructeur : augmentation du risque de blessure et de fatigue pour les joueurs, tentation du dopage.
En 2000, la FIFA réagit en lançant le calendrier international des matches coordonnés. En 2006, une version féminine est également créée. Le cadre a certes amélioré la coordination des épreuves, mais n’a pas permis de limiter leurs formats…
Le calendrier masculin : tout un programme !
Ci-dessous, un tableau récapitulant le nombre maximum de matches pouvant être disputé au sein d’une même saison par un joueur du Big Five, cercle qui réunit les 5 championnats les plus riches au monde. On a opté pour le parcours le plus long : le footballeur en question joue sur tous les tableaux en club (compétitions nationales et coupes d’Europe) et participe également aux matches de son équipe nationale. Voici la méthodologie :
– pour la Coupe d’Europe, on a été plutôt réaliste en ignorant 2 des 4 tours de qualifications en aller-retour (AR), car les équipes issues de ces associations sont très souvent exemptées. Au total, une formation engagée en C3 (format plus long que la C1) peut disputer jusqu’à 19 matches : (2 tours préliminaires AR + 6 matches de poules + 9 matches de coupe à partir des seizièmes de finale).
– Pour les équipes nationales, on a calculé une moyenne annuelle en tenant compte des nouvelles dates du calendrier international : 10 matches en saison paire/impaire (5 dates doubles) et 18 matches en saison impaire/paire (4 dates doubles, 3 matches de préparation et 7 rencontres Euro/CM), ce qui donne 14 matches. – Pour les coupes nationales, les tours dans lesquels sont exemptés les clubs qualifiés en Coupes d’Europe, n’ont pas été comptabilisés.
Nombre maximum de matchs disputés par les joueurs issus du Big Five
ENG | ESP | FRA | GER | ITA | |
---|---|---|---|---|---|
Championnat | 38 | 38 | 38 | 34 | 38 |
Coupe Nationale | 10 | 9 | 6 | 6 | 5 |
Super Coupe Nationale | 1 | 2 | 1 | 1 | 1 |
Coupe de la Ligue | 6 | 0 | 4 | 0 | 0 |
Coupes d'Europe | 19 | 19 | 19 | 19 | 19 |
Equipes Nationales | 14 | 14 | 14 | 14 | 14 |
Total | 88 | 82 | 82 | 74 | 77 |
En additionnant le tout, c’est l’Angleterre qui détient la palme du calendrier le plus chargé avec 88 matches à jouer. Peut-être un élément qui explique la méforme de la sélection aux Trois Lions en phase finale. Les institutions anglaises pourraient décharger certaines phases inutiles en FA Cup (match à rejouer entre les 32èmes et les quarts de finale) ou en League Cup (demi-finales en AR). Avec 82 matches, la France arrive juste derrière son voisin d’outre-manche et elle est la seule à l’avoir imité en créant une Coupe de la Ligue. Si l’Espagne est arrivée à la hauteur des Français, c’est parce qu’elle organise une Super Coupe et une Coupe Nationale en aller-retour, finale exceptée. Ce que n’a pas fait l’Italie (mode simple) d’où un total inférieur atteignant les 77 rencontres et l’Allemagne qui en administrant un championnat à 18 clubs, présente l’agenda le plus souple du lot (74 matches). Un effort qui a permis de dégager une vraie trêve d’une durée d’environ un mois tandis que les autres ligues ne prévoient que deux semaines, sauf l’Angleterre qui ne s’arrête jamais de jouer.
Calendrier féminin : un régime à surveiller
Côté femmes, notre analyse calendaire s’est aussi focalisée sur le continent européen, car l’UEFA est la seule confédération qui prévoit une C1 aussi longue (12 matches). Les calendriers nationaux les plus chargés sont à dénicher du côté de la France et de l’Allemagne. Les deux pays abritent les mêmes formats de compétition : un championnat féminin qui comprend 12 clubs pour 22 journées et une coupe nationale à 5 ou 6 tours. Les footballeuses peuvent donc disputer jusqu’à 40 matches dans la saison. Un régime gérable qui peut vite s’alourdir si l’on ajoute les rendez-vous prévus pour les équipes nationales. Ainsi, l’équipe de France a joué 18 matches en 2010/11 (4 en éliminatoires, 8 en amical et 6 en CM), 23 en 2011/12 (6 en éliminatoires, 11 amicaux et 6 en rab aux JO), 16 en 2012/13 (2 en éliminatoires, 10 en amical et 4 à l’Euro) et 17 en 2013/14 (7 en éliminatoires, 6 en amical). Les Bleues en plus de leurs matches en clubs, étaient donc susceptibles de disputer entre 56 et 63 rencontres par saison, un total hallucinant qui peut être facilement comparé à certains plannings masculins. Des menus exceptionnellement chargés pour cause de Mondial, de JO ou d’Euro certes, mais il appartient aux instances d’être vigilant pour prévenir surrégime et déséquilibre. Notons aussi que les footballeuses sont rarement professionnelles et donc moins armées pour affronter les cadences infernales.
Nombre maximum de matchs disputés par les joueuses du Championnat de France et de l'équipe de France (2010 - 2014)
2010/11 | 2011/12 | 2012/13 | 2013/14 | |
---|---|---|---|---|
Championnat | 22 | 22 | 22 | 22 |
Coupe Nationale | 6 | 6 | 6 | 6 |
Coupes d'Europe | 12 | 12 | 12 | 12 |
Equipe de France | 18 | 23 | 16 | 17 |
Total | 58 | 63 | 56 | 57 |
L’ombre du dopage
En mai 2012, les conclusions du Dr D’Hooghe président de la Commission Médicale de la FIFA, rappelaient que les footballeurs de haut niveau étaient loin du compte : « Les médecins présents estiment que les footballeurs ne devraient pas disputer plus de 60 matches par an. Aucun médecin n’a avancé que le corps pouvait en supporter davantage (1). » Avec ce calendrier démentiel, on se demande comment les footballeurs, bien que professionnels et souvent bien payés, arrivent à tenir le coup. Sans compter les prolongations, les longs voyages par avion et les convocations en équipe nationale… Les instances du foot se plaignent en se refilant la patate chaude, mais elles ne font rien pour lutter contre le surmenage des joueurs. Réduire le format des compétitions ? Impensable, les répercussions sur le plan économique seraient négatives, mais il faudra bien y remédier. Pour être endurant tout en étant performant sur la durée, le sportif peut être facilement tenté par la prise de substances dopantes capables d’accroître ses capacités physiques et mentales. Bien sûr leur consommation est prohibée car elle constitue un danger pour l’équité de la compétition mais aussi pour la santé de l’homme. En juillet 2013, un rapport du Sénat français, publié par Jean-François Humbert et Jean-Jacques Lozach, a regretté l’impuissance de l’Agence Mondiale de l’Antidopage et a dénoncé l’immobilisme des instances sportives(2). Contrôles « téléphonés » et peu efficaces face à un dopage sophistiqué, moyens limités, manque de collaboration de la part des fédérations internationales (FIFA, etc.), laxisme dans les sanctions, abus liés aux AUT (Autorisations à Usage Thérapeutique), etc.
Balle piquée…
RECOMMANDATIONS
Les pistes de travail de l’IFAB
En 2009, la proposition qui consiste à pouvoir aligner un quatrième remplaçant en cas de prolongations est soumise à l’IFAB. Le Board ne la rejette pas mais considère qu’elle doit d’abord être discutée par les commissions de la FIFA. En 2011, la Task Force Football 2014 chargée de réviser les règles du jeu, reprend le concept. En 2012, cette idée doit être de nouveau examinée par le collège des 8 votants, mais coup de théâtre, la FIFA la retire au dernier moment sans pour autant donner le motif de cette rétractation. Cependant à l’issue de la Coupe du Monde 2014, le Groupe d’Etudes Techniques mandaté pour analyser le jeu des grands tournois internationaux, souhaite remettre le débat sur la table. Rebelote ! En 2015, l’IFAB refuse cette option en expliquant que le nombre de 3 remplaçants « reste le plus approprié ». La suggestion est renvoyée à ses chères études, c’est-à-dire devant ses deux commissions pour être de nouveau évaluées (3) ! Dans le même temps, l’IFAB accepte de légaliser une pratique courante dans le monde amateur, dans laquelle il est possible pour un joueur de revenir sur le terrain après avoir été remplacé (rolling subs). Cet amendement ne concerne que les plus bas niveaux des compétitions amateurs, libre aux associations nationales de l’adopter ou pas. L’universalité de la loi 3 a donc officiellement rendu l’âme.
La proposition de F3V : adopter la règle du 3+2
Augmenter le nombre de remplaçants dans un match, permettrait une meilleure répartition du temps de jeu entre les joueurs d’une équipe et donc de mieux affronter un calendrier congestionné. Cela aiderait surtout les joueurs ou les équipes confrontés à un calendrier plus chargé que les autres, car tout le monde ne court pas sur la même distance à cause des obligations internationales en club (Ligue des Champions ou C3) ou en sélection (Coupe du Monde ou Championnats Continentaux). On autoriserait un maximum de 5 changements contre 3 actuellement. La feuille de match serait limitée à 16 joueurs, au lieu des 18 généralement autorisés par les instances en compétition officielle (23 maximum, plafond adopté par l’IFAB en 2013). Ce qui nous revient à réformer la loi 3 relative au nombre de joueurs (cf. ci-dessous). Pour éviter de casser le rythme du match, les substitutions des joueurs seraient régulées.
Les 5 remplacements suivraient le schéma suivant :
– 3 en cours de match ;
– 2 pendant la mi-temps du temps réglementaire et éventuellement juste avant le coup d’envoi des prolongations ou de la séance des tirs au but.
Cette idée n’est pas nouvelle, puisqu’elle apparaît dans un ouvrage intitulé « Parlons Football » publié en octobre 2014 et coécrit par Gérard Ernault et Michel Platini(4). Le Président de l’UEFA souhaite faire appliquer ce 3+2 qui lui a été soufflé par Pierre Dréossi, alors manageur du Stade Rennais. Football World Vision s’en était déjà emparé, car une formule similaire (3+3) détaillée par le coach Frédéric Antonetti, figurait déjà dans un livre blanc paru sous l’égide de L’Equipe en 2010(5).
Même en comité légèrement restreint, les remplaçants désignés en tant que tels, seraient cette fois sûrs de participer au même match. On peut par exemple imaginer : 1 gardien, 2 options défensives (1 défenseur et 1 milieu) et 2 options offensives (1 milieu et 1 attaquant), ce qui est quasiment la moitié d’une formation. Certes, la formule actuelle prévoit jusqu’à 12 solutions de rechange, mais n’envisage que 3 options ! Bonjour les cireurs de banc !
Quoi faire de tous ces coiffeurs ?
Attention, le 3+2 ne serait appliqué qu’en compétition officielle, y compris chez les amateurs qui parfois respectent d’autres règles (les joueurs remplacés ont par exemple le droit de revenir sur le terrain). Comme le souligne la loi 3, un plus grand nombre de joueurs pourrait accéder au terrain. Cette dérogation serait accordée aux matches amicaux (sauf les sélections), aux épreuves assimilées en tant que telles (foot diversifié, etc.) et aux catégories spécifiques (vétérans, jeunes de moins de 16 ans, handicapés voir le préambule des Lois du Jeu(6)), La feuille de match serait toutefois limitée à 22 joueurs et un maximum de 11 changements seraient autorisés. Pour aérer la partie, les roulements seraient régulés : six en cours de matches et cinq durant la mi-temps, ou avant les prolongations ou avant les tirs au but. Un joueur remplacé pourrait revenir sur le terrain de jeu pour prendre la place d’un coéquipier mais son retour serait compté comme un remplacement. Une partie de la loi serait amendée comme suit (cf. ci-dessous) :
Réforme de la loi 3 (Nombre de joueurs)
LOI 3 (Règle actuelle) | LOI 3 (Règle F3V) |
---|---|
NOMBRE DE REMPLACEMENTS (compétitions officielles) Lors de tout match disputé dans le cadre de compétitions officielles organisées par la FIFA, les confédérations ou les associations membres, le nombre maximum de remplacements auxquels il est possible de procéder est de trois. Le règlement de la compétition doit préciser le nombre de remplaçants – entre trois et douze – qu’il est possible de désigner en tant que tels. | NOMBRE DE REMPLACEMENTS (compétitions officielles) Lors de tout match disputé par les équipes nationales ou dans le cadre de compétitions officielles organisées par la FIFA, les confédérations et les associations, le nombre maximum de remplaçants auxquels il est possible d’utiliser et de désigner en tant que tels est de cinq. Lors de chaque match, il convient d’observer les dispositions suivantes : – un maximum de trois remplacements peut être effectué en cours de match ; – un maximum de deux remplacements peut être effectué à la mi-temps du temps réglementaire, ou avant le coup d’envoi des prolongations, ou avant le début de la séance des tirs au but. - le joueur remplacé ne peut plus participer au match. |
NOMBRE DE REMPLACEMENTS (Autres matches) Lors de matches entre équipes nationales « A », il est possible d’avoir recours à six remplaçants tout au plus. Dans tous les autres matches, un plus grand nombre de remplaçants peut être utilisé : • si les équipes concernées s’entendent sur le nombre maximum des remplacements autorisés ; • si l’arbitre en est informé avant le début du match. Si l’arbitre n’a pas été informé ou si aucun accord ne survient avant le début de la rencontre, il ne sera pas possible de recourir à plus de six remplaçants. | NOMBRE DE REMPLACEMENTS (Autres matches) Dans tous les autres matches, le nombre maximum de remplaçants auxquels il est possible d’utiliser et de désigner en tant que tels est de onze. Lors de chaque match, il convient d’observer les dispositions suivantes : – un maximum de six remplacements peut être effectué en cours de match ; – un maximum de cinq remplacements peut être effectué à la mi-temps du temps réglementaire, ou avant le coup d’envoi des prolongations, ou avant le début de la séance des tirs au but ; - le joueur remplacé peut revenir dans le match pour remplacer un autre joueur mais son retour en jeu est compté comme un remplacement ; – les équipes ou les associations membres concernées peuvent réduire le nombre de remplaçants autorisés pour ce type de match, pourvu que l’arbitre en soit préalablement informé. |
RETOUR DES JOUEURS REMPLACÉS DANS LE MATCH (1) Avec l’accord de l’association membre concernée, le retour en jeu des joueurs remplacés n’est autorisé que dans les niveaux les plus basiques du football organisé (base/loisir). | paragraphe à supprimer |
PROCÉDURES DE REMPLACEMENTS (2) (...) Le joueur remplacé ne peut plus participer au match, sauf si le retour en jeu des joueurs remplacés est autorisé. (...) | PROCÉDURES DE REMPLACEMENTS (...) à supprimer (...) |
notre traduction en langue française n'est pas officielle (cf. la VO ci-dessous) :
(1) Return Substitutions
The use of return substitutions is only permitted in the lowest levels (grassroots/recreational)
of football subject to agreement of the member association concerned.
(2) Substitution Procedure (p.18) (…)
• the substituted player takes no further part in the match,
except where return substitutions are permitted.
La règle du 3+2 serait bénéfique à tous points de vue :
– Pas de coupure supplémentaire puisque les 2 changements additionnels s’effectueraient dans des temps morts ;
– Plus de ménagement pour des athlètes parfois surexploités ;
– Possibilité de faire jouer un plus grand nombre de footballeurs dans les équipes premières (38 millions de licenciés recensés par FIFA Big Count en 2006 contre 30 millions en 2000, soit une augmentation de 23%) ;
– Plus d’options tactiques pour les entraîneurs.
Aussi la loi 3 qui recense actuellement quatre directives relatives au nombre de remplaçants (3 remplaçants en match officiel, retour en jeu des joueurs remplacés en amateur, 6 remplaçants en match amical international et plus de 6 remplaçants pour les autres rencontres), n’en comprendrait plus que deux (la première pour les officiels, la seconde pour les amicaux). La règle serait simplifiée et son universalité serait assurée.
SOURCES :
(1) cf. fifa.com – 24/05/2012
http://fr.fifa.com/aboutfifa/organisation/bodies/congress/news/newsid=1639067/
(2) Au nom de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage – Sénat 2013.
(3) fifa.com – 28.02.2015
http://fr.fifa.com/aboutfifa/organisation/ifab/media/news/newsid=2534832/index.html
(4) Michel Platini et Gérard Ernault – Parlons Football – Editions Hugo Sports 2014
(5) Le livre blanc de l’Equipe : 101 propositions pour le football français – L’Equipe 2010
(6) Lois du Jeu 2014/15 – Remarques relatives aux Lois du Jeu p 3
http://fr.fifa.com/mm/document/footballdevelopment/refereeing/02/36/01/11/27_06_2014_new–lawsofthegamewebfr_french.pdf